En février 2016 fut inaugurée la deuxième exposition du Musée Ephémère de la Maison Chaumet, « Une Education Sentimentale ». Scénographiée en rouge passion, l’exposition se concentre sur un des thèmes principaux du célèbre joaillier de la place Vendôme, le bijou de sentiment. Ainsi, lors de l’inauguration du 4 février, le gratin de la mode et du spectacle se pressait pour découvrir l’exposition en avant-première, mais ce furent bien les chefs d’œuvre de Chaumet qui magnétisaient l’attention.
Parcours initiatique et amoureux
Retraçant deux siècles de créations originales, cette exposition se présente sous la forme d’un parcours initiatique. Les créations exposées reprennent bien l’esprit de Chaumet et son ambition qui est, depuis toujours, de « célébrer, par ses créations, les instants magiques de la sentimentalité de son temps. ». Très souvent pièces uniques, créées pour une seule personnalité, à l’occasion d’un événement particulier, ces créations représentent bien le goût de leur époque, se mêlant ainsi à l’histoire de l’art mais aussi aux rites qui entourent une relation amoureuse.
L’exposition reprend notamment la vieille tradition de la corbeille de mariage, disparue lors des premières décennies du XXe siècle, en y exhibant des bijoux et dentelles offerts par le fiancé à sa promise. Un rituel de choix qui avait pour vocation de présenter ces présents aux parents et amis lors de la cérémonie. « Ces précieux présents sont exposés sur une table ou dans une vitrine, parfois étiquetés du nom de leur donateur. Le diadème et les grands bijoux, devants de corsage et colliers de perles, y occupent une place de choix. »
Amours couronnés et ailés
Le diadème, justement, avait une place de choix parmi les joyaux de mariage, bien avant la bague. « C’est l’impératrice Joséphine qui remet ce bijou antique au goût du jour, lors de son couronnement. Il est porté le jour du mariage, mais aussi pour toutes les occasions mondaines et officielles, bals et soirées à l’opéra, offrant aux femmes un port de reine, illuminant leur visage. ».
L’exposition, pour y revenir, ne manquait en tout cas pas de diversité puisque la maison Chaumet a créé, depuis 1780, plus de 2500 modèles de diadèmes formels, d’aigrettes aériennes, de bandeaux graphiques et, bien sûr, de bijoux de tête. Ces créations auront marqué la « Belle Epoque », étant prisées par les élégantes qui raffolaient des ailes, symboles de richesse.
« Subtiles et aériennes, elles signent la puissance, le choix des femmes de caractère à qui l’amour donne des ailes. Promesse d’élévation, allégorie de la victoire, l’aile libère et permet d’atteindre les sommets. Légèretés de l’amour, tranquillité de la vertu et des devoirs conjugaux enseignés par Minerve et Mercure, dieux romains aux attributs ailés : ces apanages de plumes sont un oxymore amoureux. »
Couples mythiques
La maison Chaumet fut aussi un symbole des relations de couples mythiques, et les nombreuses pièces historiques présentées en attestent et ressuscitent des couples mythiques comme la comédienne et soprano lyrique Yvonne Printemps et Sacha Guitry, Irina de Russie, nièce du tsar Nicolas II et Félix Youssoupoff, Errol Flynn et la comédienne française Lili Damita, ou encore le Maharaja Yeshwant Rao Holkar Bahadur d’Indore et son épouse…
Les milles facettes du langage amoureux
Le langage amoureux est compliqué et une superbe parure de 1805 le représente bien. Cet ensemble d’intailles représente en effet un résumé de la vie sous l’Empire Romain, avec la part belle donnée à l’amour. « Coiffée d’un croissant de lune symbole de fécondité et de beauté, Diane côtoie Mercure. Messager ailé, symbole de chance, on le retrouve dans les “amours des dieux” de Véronèse. La Victoire ailée couronne la déesse Abondance, qui suggère la fertilité. Un buste de satyre, créature luxurieuse du cortège dionysiaque, ainsi qu’une Bacchante, font référence aux plaisirs charnels et de la fête. Enfin, deux Amours sont représentés au centre de la broche. »
Les bijoux de sentiment, comme sont justement nommées les créations de la maison Chaumet, recourent à un vrai langage amoureux. Ils portent des messages publics, mais aussi intimes, et toujours émouvants. Inspirés de la poésie, ces bijoux comportaient même un message codé déchiffrable à l’aide des initiales des pierres serties. Napoléon 1er était friand de cette « astuce » et s’en servait lorsqu’il offrait des bracelets aux impératrices Joséphine et Marie-Louise, mais aussi à Madame Mère et à Elisa Bacchioci, sa sœur. Ce code amoureux sera ainsi repris dans une flopée de créations, traversant les époques, comme par exemple dans le « Bracelet Amour », pourtant créé en 2004, qui présentait des pierres d’améthyste, de morganite, d’opale de feu, d’uvite et, enfin, de rhodolite.
Reflets de tous les sentiments humains
Dans ces créations, le maître-mot a toujours été l’amour. Les références à Cupidon furent légion dans les nombreuses pièces historiques, ou même contemporaines, tout comme les références à la chauve-souris, animal nocturne doté de pouvoirs aphrodisiaques d’après Pline l’Ancien.
Certains bijoux peuvent aussi représenter la tendresse maternelle, l’amour filial, et peuvent ainsi célébrer l’union entre deux familles mais aussi l’amitié, comme, par exemple, les clochettes en pendentif qui s’insèrent parfaitement dans la tradition de la Pâques russe.
Pour finir, ne nous y trompons pas, cette exposition ne jouait pas sur la nostalgie malgré les nombreuses pièces anciennes présentées. En effet, de magnifiques pièces contemporaines furent exposées, notamment celles de la collection Escapade de Chaumet, créée spécialement pour l’occasion.
En conclusion, l’amour défie les lois du temps mais n’est pas le seul… les créations d’exception ont également ce pouvoir !
Informations
Une éducation sentimentale
Musée Ephémère – Boutique Chaumet, 12 place Vendôme, Paris 1er
S’est tenue du 6 février au 24 septembre 2016