David Hockney, flamboyant, éclectique et raffiné à Beaubourg

David Hockney est souvent connu pour ses célèbres piscines californiennes et pour être un maître du pop art. Mais le résumer à cela serait réducteur et c’est ce que l’exposition, qui s’est tenue en 2017 au Centre Pompidou, s’est attelée à démontrer. Une rétrospective réalisée en collaboration avec le Metropolitan Museum de New York et la Tate Britain de Londres, qui permet de se plonger dans une œuvre immense, et très éclectique.

« Picasso pouvait maîtriser tous les styles. La leçon que j’en tire, c’est que l’on doit les utiliser tous. » Cette citation de David Hockney a profondément marqué son œuvre et l’exposition tenue au Centre Pompidou à l’occasion de ses 80 ans a bien montré à quel point il a respecté sa tirade.

Versatilité revendiquée

David Hockney appris le dessin au début des années 50 grâce à l’enseignement dispensé à l’école d’art de Bradford, dans le Yorkshire. Les débuts du maître anglais sont emprunts de l’enseignement de Derek Stafford, professeur proche des Kitchen Sink, un groupe de peintres anglais qui retranscrit le « réalisme socialiste » à sa façon, en croquant des gens lambdas dans leurs activités quotidiennes. Mais cela ne suffisait plus à l’imagination et à la curiosité artistique débordante de David Hockney.

« Au Royal College of Art de Londres (R.C.A.), à partir de 1959, Hockney découvre la peinture abstraite d’Alan Davie, premier peintre anglais à assimiler les leçons des expressionnistes abstraits américains. Fusionnant son intérêt pour l’œuvre de Jean Dubuffet, de Francis Bacon, et sa curiosité pour la peinture abstraite, Hockney réalise une première série d’œuvres non figuratives », comme l’explique bien le commissaire de l’exposition, Didier Ottinger. Mais ce n’est qu’un détour puisque « la rage d’expression dont témoignent ses « Propaganda Paintings », pro végétarisme d’abord, puis, plus durablement en faveur de l’homosexualité, ont toutefois raison de son éphémère conversion à l’abstraction. »

Une exposition marque durablement David Hockney, la rétrospective consacrée à Picasso en 1960, qui se tient à la Tate Gallery de Londres. « Il sort de l’exposition convaincu que styles, écoles picturales, et autres formalismes ne seront pour lui que les éléments d’un vocabulaire plastique au service de son expression subjective. » Cette rétrospective l’inspire pour sa prochaine exposition, « Young Contemporaries », qui se tient en 1961, et qui présente quatre toiles réunies sous un même titre : « Demonstrations of Versatility ». Dans cette série de tableaux, utilisant des collages et différents styles, il mélange le pop art de Jasper Johns, la renaissance siennoise de Duccio di Buoninsegna, la peinture abstraire de Morris Louis et même la figuration expressionniste de Francis Bacon. Il s’agit alors d’un manifeste pictural, une façon de dire qu’il n’a plus d’interdit et qu’il piochera, selon son envie, dans l’histoire de l’art, dont il est très érudit, mais aussi dans les techniques contemporaines.

Références anciennes et techniques modernes

Dès sa première escapade à Los Angeles, qu’il considère comme une Terre promise hédoniste, David Hockney se concentre sur la peinture acrylique, plus à même de retranscrire la lumière californienne et son intensité caractéristique. Mais cela ne lui suffit pas… « Poursuivant son dialogue avec les formes et écoles stylistiques contemporaines, il donne au scintillement lumineux de ses piscines les formes de l’Hourloupe de Jean Dubuffet, transforme leur surface en « champ coloré » de Mark Rothko ou de Barnett Newman » précise ainsi Didier Ottinger. Sa curiosité sans fin l’amène aussi à s’intéresser, et à pratiquer, de plus en plus la photographie. Sans doute faut-il ainsi y voir l’origine de ses célèbres doubles portraits, réalisés à la fin des années 60 avec des références non dissimulées à Vermeer, Hopper et Balthus.

C’est dans les années 80 qu’il se consacre pleinement à la photographie, armé d’un Polaroïd qui lui permet de réaliser des collages et de flirter avec le cubisme. La photographie devient ainsi un matériau au service de sa peinture. Idem pour ses œuvres les plus récentes, carrément réalisées à l’aide d’un iPad. Hockney cite ainsi Munch « La photo ne peut rivaliser avec la peinture, car elle n’entend rien de l’enfer ni du paradis… » Ce qui transparaît allégrement dans ses paysages de campagne anglaise, qu’il réalise depuis 2004.

Le mélange des techniques et des styles ne cesse d’étonner tant il est maîtrisé. En juin 2017, lors d’une interview à Libération, le peintre confiait : « Je n’ai jamais voulu me répéter, ni produire à la chaîne… comme certains le font. Ce n’était pas mon style, j’aimais pousser, aller au bout et passer à autre chose, mais toujours en me nourrissant de ce que je venais de faire. Les gens trouvaient ça fouillis, pas moi. Simplement, il faut du temps pour que les transitions apparaissent. Je pense qu’ici, on voit ce que j’ai tenté d’accomplir. » Une remarque pourtant trompeuse puisque son œuvre n’est à ce jour toujours pas terminée. Ainsi, quelques jours avant cette rétrospective de 2017, il peignait encore et encore dans l’espoir d’accrocher des toiles inédites dans la dernière salle du Centre Pompidou. La versatilité n’exclut donc pas la constance dans la quête.

Informations

Rétrospective David Hockney

Centre Pompidou

Place Georges-Pompidou, 75004 Paris

S’est tenue jusqu’au 23 octobre 2017

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